vendredi 31 août 2018

Commandeur, reposez en paix !


"Toute ma vie j'ai été fier d'être originaire de Donetsk. Chaque maison, chaque rue, je peux te dire quand elles ont été construites et par qui. Les statues et monuments, j'en connais presque tous les architectes. Je peux te raconter quelles fleurs poussent dans nos rues et combien on a de roses... Je peux te dire aussi quelles batailles ont eu lieu en 1941, en 1942 et 1943. En Ukraine il n'y a que deux endroits comme ça; les habitants de Lviv sont fiers de leur ville, et les habitants de Donetsk de la leur. L'Occident et l'orient, c'est tout. Et nous avons toujours pensé que nous étions russes. Toujours."

Alexandre Zakhartchenko, Président de la République Populaire de Donetsk, assassiné le 31 août 2018 dans un attentat terroriste perpétré par le régime de Kiev.

Que le souvenir des morts soit la force des vivants !

Flash : Zakharchenko assassiné !

Publié sur FB le 31 aout à 18h30


Les premières réactions tombent y compris du côté du Kremlin qui désigne Kiev responsable.

Sur le front où je suis déployé en ce moment là situation est stable mais des infos font état d'une colonne importante de véhicules blindés ukrainiens en mouvement dans le secteur de Konstantinovka (Au Nord de Donetsk ). Une seconde colonne de véhicules se dirigerait vers le secteur de Dokuchaïevsk (Au Sud de Donetsk).

Concernant les circonstances de l'attaque et ses répercussions voici des mises a jour notammemt via Светлана Кисилева :

- Il s 'agirait à confirmer d'un engin explosif dissimulé comme une source d'éclairage dans le café "Separ" boulevard Puchkine ou un hommage était rendu au chanteur Yossif Kobzon décédé récemment (il venait régulièrement donner des concerts à Donetsk)

- Situation d'urgence décrétée dans toute la République. Aucune sortie du territoire autorisé.

- Immédiatement après l'explosion des ukrainiens auraient été arrêtés à bord d'un voiture stationnée à vue des lieux de l'explosion.

- Un garde du corps qui a disparu serait également impliqué dans l'attentat.

- Un conseil des ministres s'est réuni en urgence cet après midi.

- Le vice premier Timofeev aurait dû prendre la place du président, mais il est hospitalisé dans un état critique suite à l'attentat. C'est le chef de l'appareil présidentiel Trapeznikov qui est nommé provisoirement

- Dans Donetsk des véhicules blindés sécurisent des carrefours importants.

- Tous les soupçons se portent vers Kiev . Les forces armées des 2 Républiques de Donetsk et Lugansk sont en état d'alerte maximale.

- La rentrée scolaire initialement prévue le 1er septembre est reportée au 4 et 3 jours de deuil national sont décrétés.

- En Russie le Président Poutine a présenté ses condoléances pour l'assassinat de Zakharchenko, et le Code pénal de la Fédération de Russie a ouvert une procédure pénale en rapport avec le meurtre de Zakharchenko

- Le soir le bilan de l'attentat s'élève à 2 tués (Zakharchenko et un garde du corps) et 12 blessés.

- La chaîne fédérale russe annonce que la mise à feu de la bombe a été déclenchée via um téléphone mobile.

À suivre ...


Erwan Castel

Le hurlement silencieux des ruines


L'aéroport international de Donetsk, modernisé juste avant la guerre était l'un des plus beaux d'Europe et le fleuron de la réussite économique du Donbass.

Lorsque la guerre est lancée contre les populations russes d'Ukraine refusant leur ostracisation par les putschistes pro occidentaux du Maïdan, l'aéroport, dès les premiers combats devient un enjeu majeur tactique et symbolique pour le contrôle de Donetsk. Ce complexe aéroportuaire est en effet, par sa proximité du centre ville (20mn), ses voies d'accès rapides pénétrant dans Donetsk, son élévation, sa piste d'atterrissage et ses infrastructures logistiques, la porte d'entrée principale et le tremplin idéal pour conquérir le cœur de la cité rebelle.

Pendant plus de 6 mois, jusqu'en janvier 2015, le quartier d'Oktyabrsky sur les lisières duquel l'aéroport Prokofief a été construit va vivre le martyr au rythme des combats violents qui se déroulent à chaque bâtiment, à chaque étage de la zone aéroportuaire.

Les ukrainiens bombardent alors tout le quartier, y compris les zones résidentielles civiles éloignées du champ de bataille et dont les tirs continuent toujours depuis 4 ans.

Aujourd'hui, le terminal de l'aéroport est sous le contrôle des forces républicaines qui pendant l'hiver 2014-2015 l'ont conquis de haute lutte et au prix d'immenses sacrifices, mais sa piste matérialise cette ligne de front qui toujours est le théâtre de combats et bombardements réguliers.

L'aéroport de Donetsk, comme tant d'autres zones entièrement dévastées par cette haine ukrainienne communautaro-centrée qui a pris le pouvoir par la force en février 2014, est devenu le symbole de cette guerre cachée qui brûle le cœur de l'Europe.

Il n'est plus qu'un champ de ruines hurlant le désespoir et la honte d'une Europe prise en otage par la folie mondialiste.

Depuis 2016, je vis à 500 mètres de ce squelette dressant silencieusement ses moignons de piètre et de béton sous le nez de cette "opinion publique internationale" indifférente. Les femmes et les hommes qui vivent ici au milieu des ruines m'y ont accueilli avec humilité et gentillesse, ils sont aujourd'hui mes voisins et amis.

Il n'y a pas de soldats russes ici n'en déplaisent aux journalopes occidentaux et autres propagandistes incendiaires. Les quelques familles et personnes isolées qui sont restées ici par choix pu par obligation sont les enfants de cette terre noire du Donbass bornée par les terrils et les clochers de leurs aïeux. De Dimitri ce jeune milicien de 18 ans à Anastasia, une babouchka de 87 ans qui survivent depuis 4 ans sous la menace permanente des obus, tous sont des exemples inouïs de courage, de résilience et de noblesse.

Aujourd'hui ce conflit est enlisé dans une guerre de positions et une lassitude médiatique. Pourtant, chaque semaine des soldats et des civils tombent sur cette ligne de front qui est une plaie sur le flanc de la Russie ouverte par une stratégie atlantiste irresponsable et qui alimente sa purulence avec ses dollars et ses armes.

A l'heure où les médias alternatifs libèrent quotidiennement la Vérité jusque dans les cœurs des foyers, l'indifférence des populations occidentales au martyr du Donbass, lequel partage pourtant avec elles une destinée civilisationnelle commune, est une honte totale.

Car cette guerre abjecte à caractère génocidaire a été décidée par la ploutocratie mondialiste aux ordres de laquelle, via l'UE sa vitrine politique et l'OTAN son bras armé, les gouvernements occidentaux sont volontairement soumis.

Alors que des hommes meurent au front pour protéger leurs femmes et enfants pleurant dans les caves bombardées, la responsabilité de cette tragédie criminelle incombe aussi aux populations passives vautrée dans la lâcheté d'un individualisme consumériste et qui alimentent avec leur travail et leur argent de contribuables ces crimes de guerre ravageant le Donbass.



Partagez s'il vous plaît cette vidéo car elle ne montre pas le passé d'une tragédie de l'Histoire, mais le présent d'une guerre et qui menace d'être le futur proche des populations d'Europe si elles ne réveillent pas leurs consciences et leurs courages.

Erwan Castel

jeudi 30 août 2018

Promka Saison 1, épisode 22

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Après quelques missions ponctuelles et un repos de 18 heures, nous voici déployés pour une nouvelle rotation sur le front de Yasinovataya.


Jeudi 30 août 2018

Juste avant de monter dans la camionnette, par des miaulements trottinant au milieu du rassemblement des hommes, des armes et des sacs, Mourka me réclame de nouvelles et ultimes caresses.
Étrangement ce sont souvent les animaux qui offrent le plus de réconfort, de compréhension et... d'humanité à nos âmes brûlantes et brûlées.

Dès notre arrivée, nous relevons nos camarades aux postes de combat mais aussi aux chantiers des tranchées, sans oublier la cuisine où un feu excité attend de pouvoir caresser le cul de la bouilloire...

Depuis la dernière rotation et malgré la persistance agréable de la chaleur estivale, la roue des saisons a marqué la Nature de son invincible avancée vers le royaume automnal. Et sous le délitement des frondaisons, les gueules des casemates ennemies refont à nouveau surface comme une meute affamée de diables sortant de terre.

Au loin, les bruits de Yasinovataya accrochent le vent d'Est et bondissant par dessus le parapet, viennent nous rappeler s'il en était besoin, l'objet de notre combat et de notre amour ainsi que la raison de l'enfouissement de nos vies et de nos rêves dans les tranchées du Donbass.

Erwan Castel


Les autres extraits de ce journal du front peuvent être retrouvés ici : Journal du front

vendredi 24 août 2018

Fin de mission

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Par l’œil plissé d'un mur renforcé de "Forteruine" la gueule d'un fusil à lunette renifle l'horizon menaçant

Ce matin du 23 août 2018 nous avons repris le chemin vers la base de la brigade située aux portes de Makeevka (Nord Est Donetsk), pour quelques jours de repos avant une nouvelle rotation sur Promka.


La semaine écoulée, bien qu'émaillée de tirs réguliers de la part des forces ukrainiennes, fut globalement calme et nous a laissé loisir de poursuivre les travaux d'amélioration de notre réseau de tranchées



Jeudi 23 août 2018

Au large de notre navire de pierre aux matures de ferrailles tordues par les tempêtes d'acier, des récifs de sacs de sable, rondins de bois et blocs de béton signalent les positions ennemies au milieu de ce paysage lunaire qu'est devenu la zone industrielle de Promka, entre Yasinovataya et Avdeevka, au Nord de Donetsk.

Ici, les hommes sont au fil des mois devenus des taupes, creusant sans relâche des tranchées que des couvertures de rondins et de terre épaisses métamorphosent rapidement en galeries obscures. Les réseaux de tranchées et de casemates enterrées ressemblent à des toiles d'araignées qui s'étendent sans cesse dans le paysage poussant les rets au plus près de la ligne opposée. Les distances entre belligérants ne cessent de s'amenuiser et les dispositifs de se renforcer. Désormais les éphémères postes d'observation occupés hier par des observateurs discrets et silencieux sont devenus des bunkers épais et arrogants aux ouvertures régulièrement éclairées par les bouches à feu d'armes aboyantes.


Jaillissant du sol une pelletée de terre marque l'avancée d'une tranchée complétant notre dispositif de défense 
et répondant  à celles que l'ennemi ouvre également de son côté 
Les parapets et les murs s'ouvrent de meurtrières par lesquelles les uns et les autres s'observent nuit et jour dans une immobilité silencieuse et un paysage morne qui pourtant n'entament jamais la vigilance et l'attention des sentinelles, guettant le moindre indice de l'activité ennemie. Ici c'est un sac de protection apparaît au coin d'une casemate que les tirs quotidiens ont fragilisé au fil des mois. Là c'est le métronome d'une pioche dérangeant le silence et signale l'avancée d'une tranchée rampant vers nos positions.

Parfois il me semble être dans un shaker ou sont mélangées "la guerre des tranchées" de 14-18, "la drôle de de guerre" de 40 avec un zeste de "Désert de Tartares" de Buzatti. Les  jours se suivent dans l'immobilité d'un front mais sans jamais cependant se ressembler.
Destruction d'un obus en secteur ukrop

Parfois une rafale d'arme automatique ou une grenade à fusil éclatent, jetant leurs filets d'acier contre nos murs ou au dessus de nos têtes. Un autre jour ce sont des explosions signalant le travail de sapeurs ennemis détruisant des obus non explosés. C'est un bruit de moteur ou de chenilles, un cri ou une insulte qui s'envolent vers nous rappelant cette menace humaine. 
Brèves fulgurances tendant les corps et captant  les sens avant de laisser revenir la routine des surveillances, des repos et des services.

La prudence, les défenses sans cesse renforcées ont rendu les hommes invisibles aux autre malgré des proximités parfois inférieures à 100 mètres. Ici et là surgissent cependant comme des flashs rares dans le paysage des silhouettes fugitives de casques, d'armes ou de bras bougeant derrière l’œil d'une casemate ou sur l'épaule d'un parapet. 
Et si l'inconscience, la fatigue ou la témérité de l'imprudent donne quelques secondes de vie à ces apparitions faisant trembler l'immobilité du paysage, alors aboie dans le silence une bouche à feu qui rappelle au soldat la mortelle occupation des snipers toujours embusqués aux horizons du chaos.

La Nature heureusement chaque jour nous rappelle aussi par la beauté de ses feux solaires ou le chant des ses oiseaux qu'au delà de cet enfer dantesque vivent l'espérance, la forêt sacrée, la femme aimée, l'enfant chéri... toutes ces "Béatrice" pour qui le Soldat se bat pour prolonger leur existence dans la liberté de son amour.


Erwan Castel


Coucher de soleil par delà les postions ennemies sur un front silencieux et figé 


Les autres extraits de ce journal du front peuvent être retrouvés ici : Journal du front

jeudi 23 août 2018

Photo du 23 août

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Obus de mortier de 120mm non explosé et déterré lors d'un creusement de tranchée

Lors de nos travaux de terrassement et enfouissement de nos positions, il nous arrivent régulièrement dans un espace relativement restreint de tomber sur des munitions non explosées, obus d'artillerie lourde, de mortiers, grenades ou roquettes venues s'échouer intactes dans les plis de la terre au milieu des tonnes et des tonnes d'acier explosé.

Cette "pollution" du terrain, à laquelle il faut rajouter les innombrables champs de mines et pièges divers semés sur la ligne de front dont beaucoup n'ont pas été marqués et inventoriés dans le feu des premières années de combat, est un problème majeur et restera une menace majeure, longtemps même après que cette guerre soit rentrée dans les livres d'Histoire.

En effet, lorsque la guerre éclate et que les combats se stabilisent dans les tranchées, les belligérants étanchéifient le front avec des mines antichars et antipersonnelles sur plus de 300 kilomètres de longueur. Et la "zone grise" bien que démilitarisée tue autant et parfois dans certains secteurs, plus que les combats qui se sont repliés dans des échanges de tirs de casemate à casemate. 

J'ai souvent tendance à considérer la menace des mines comme le problème le plus important du front pour les opérations menées, certainement à cause des camarades fauchés ou mutilés depuis février 2015 par cet ennemi inhumain et lâche surgissant sous les pieds. Et ces pièges mortels frappent aussi à l'aveugle la femme venue visiter un ancien verger ou l'enfant cherchant un ballon dans une lisière. Même la faune sauvage qui reprend ses droits dans ces zones abandonnées n'échappent pas à la cruauté de ces boites enterrées sur les passées des renards, des loups ou des sangliers.

Régulièrement les sapeurs interviennent pour neutraliser et détruire ces étrons dispersés par la guerre et qui réveillent régulièrement la peur au bout de la pelle de tranchée ou de la chaussure buissonnière.

Le Donbass, une guerre qui décidément a signé un long contrat avec la Camarde...

Erwan Castel

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mercredi 22 août 2018

Photo du 22 août

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Plus les belligérants s'enterrent dans un réseau de casemates et tranchées renforcées et moins les armes légères sont efficaces pour neutraliser les nids de mitrailleuse, lance roquettes et canons sans recul abrité derrière le secret des petites meurtrières épaisses. D'autre part, la proximité des belligérants (jusqu'à moins de 100 mètres à Promka) allant parfois jusqu'à l'imbrication de leurs lignes dans le paysage, dissuade l'utilisation de l'artillerie lourde lointaine et de ses "dommages collatéraux" inévitables. 
Les combattants recherchent donc des armes à la fois puissantes et précises capables de "fouiller" les embrasures des bunkers ou les tourelles des véhicules blindés embossés rasant leurs parapets.

Lorsque la guerre s'abat sur le Donbass en 2014 pour punir les manifestations anti-putschistes des populations russes d'Ukraine, ces dernières vont improviser la résistance avec les armes trouvées dans les casernes ayant rejoint la rébellion ou dans les vieux dépôts soviétiques d'où ressortent les PTRD et PTRS, ces longs fusils antichars datant de la seconde guerre mondiale, mais dont les calibres importants et la précision leur confèrent toujours une capacité opérationnelle efficace contre les véhicules blindés ukrainiens s'approchant des barricades.

Aujourd'hui les ingénieurs de la République Populaire de Donetsk imaginent dans leurs ateliers des améliorations de ces armes de plus en plus sollicitées depuis que le conflit s'est enlisé dans les tranchées. Des missiles tactiques jusqu'au pistolet automatique, en passant par le lance roquette multiple, un arsenal "made in Donbass" est entrain de naître des forges de la guerre.

Ainsi les fusils antichars de la 2ème guerre mondiale ont-ils donné naissance à une nouvelle gamme d'armes de précision de forts calibre ("Séparatiste" de 23mm, "Donchaka" de 14.5mm et "Schok" de 12,7mm). Ces longs fusils aux corps épurés jusqu'à se réduire à leur carcasse d'acier seulement. 

Ici, dans une pièce renforcée de "Forteruine" je suis en compagnie du  "Schok", ce fusil de précision de calibre 12.7mm et équipé de la lunette de tir initialement prévue pour la mitrailleuse lourde NSV "Utyios" du même calibre. 

Cette arme est arrivée après que les bunkers ennemis se soient renforcés et équipés eux aussi d'armes de fort calibres griffant régulièrement nos murs de défense. Mis en oeuvre à l'arrière de fenêtres de tirs aménagées pour lui, ce fusil se révèle très efficace pour neutraliser des armes à travers des meurtrières profondes. 

Quant à son surnom "Schok" je ne sais pas encore si il fait plus référence à la cible ou au tireur, car tirer avec cette arme lourde et puissante réclame un minimum de préparation physique et même mentale.. 

Erwan Castel
Ça se passe entre les 3ème et 4ème secondes !

Ici "Zaets" au service du Schok dont la déflagration déchire l'obscurité du poste de tir...
...et aussi les tympans !


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mardi 21 août 2018

Bienvenue sur la muraille

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Au fil des mois, nous améliorons pierre après brique et restaurons impact après explosion les postes de combat aménagés dans l'épaisseur des murs de notre "Forteruine". De mon côté j'ai ouvert une demi douzaine de meurtrières dans les entre sols et les étages pour pouvoir soit observer, soit traiter un objectif et surtout changer rapidement et discrètement de poste.

Les murs initialement épais se sont vus renforcés à l'extérieur par les gravats des étages supérieurs bombardés depuis plus de 3 ans, et à l'intérieur par des renforts de pierres, de sacs de sables ainsi que des dizaines de soutènements des plafonds. Aujourd'hui c'est au milieu de plusieurs mètres d'épaisseur que le fenêtres d'observation et de tirs sont aménagées autour de la sécurité des soldats.


Mardi 21 août 2018

J'ai profité ce matin d'être abrité par un camouflage jeté devant le mur Nord le temps d'une restauration pour prendre ces quelques photos du "fransous cabinet" (bureau du français) que je peaufine chaque jour un peu plus.

Suivez le guide !...

Située entre 2 niveaux du bâtiment, cette niche a été aménagée autour d'un secteur d'observation défini où malgré l'étroitesse de la fenêtre l'ouverture évasée vers l'extérieur, plus d'une dizaine de positions ennemies sont observables.

Derrière la fenêtre qu'une plaque d'acier peut obturer se dresse le "TR 8", ce périscope de tranchée de grossissement 8 qui est devenu le prolongement coudé de l’œil des sentinelles, guettant la menace rampante qui elle aussi renifle nos murs.


Les heures d'observation étant souvent très nombreuses et longues un confort est également aménagé petit à petit avec ce qui est trouvé dans les ruines à l'entour.
Ainsi ce petit tabouret coiffé d'un coussin, le support pour le périscope, sans oublier la tablette pour la tasse de thé, la carte et le carnet d'observations...

Posé contre le mur le fusil SVD attend d'être appelé au créneau, tandis qu'à droite une niche sous une forte dalle de béton est aménagée en cas de bombardements. 


Accroché à l'entrée du poste pour pouvoir se mouvoir plus facilement dans son espace étroit, le brelage de combat reste à portée de main avec ses chargeurs, ses jumelles, ses grenades etc, ainsi que les vestes permettant de passer les nuits de plus en plus fraîches.


Voilà, le travail peut commencer, à savoir surtout cette observation et écoute inlassables et méthodiques du paysage et des positions ennemies dont chaque distance et caractéristiques sont mémorisées. A force de regarder et observer, le moindre changement, y compris dans la végétation attire aussitôt le regard qui ensuite l’identifie.

Sur la casquette une lampe frontale au filtre rouge assombri qui permet d'obtenir un éclairage discret si nécessaire.


Exceptionnellement, l'observateur devient tireur lorsque l'ennemi est menaçant et surtout repéré. Chaque distance est traduite en nombre de clics correcteurs de la tourelle supérieure de la lunette de tir que les doigts doivent savoir régler très rapidement et à l'aveuglette. 
Rares sont les observations directes et encore plus rares sont les conditions qui permettent d'assurer un tir efficace. 
Ici la munition est précieuse, non par sa rareté, mais par ce que son tir génère, tireur repéré, changement de poste à réaliser...


A partir d'autres postes, des sentinelles de "Forteruine" ou des positions voisines croisent leurs observations et complètent le secteur de tir battu par nos armes toujours éveillées. 

Voilà pour cette visite rapide d'un poste de combat de "Forteruine" dont j'ai gardé secrètes quelques caractéristiques importantes, comme vous pouvez l'imaginer...

Depuis que l'Homme a dressé autour de ses premières cités des remparts hérissés de sentinelles, les principes de la guerre de défense ont traversé intacts les époques et les évolutions techniques de l'Histoire militaire pour faire revivre à l'aube du 21ème siècle, dans les tranchées du Donbass, un savoir faire pluri-millénaire jamais dépassé.

Erwan Castel


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lundi 20 août 2018

Dans l’œil du cyclone

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Si, dans ce Promka dévasté jusqu'à l'horizon, les 2 premiers jours furent habituels aux autres rotations, des rafales des armes automatiques et tirs de grenades scandant nuit et jour la roue du temps, en revanche une chape de silence singulière est venue recouvrir le front augmentant la fixité du paysage où seuls les chants des oiseaux et la danse des étoiles rappelait que nous étions dans un monde.


Lundi 20 août 2018

Ce silence inhabituel qui nous entoure intrigue presque jusqu'à l'inquiétude et nous redoublons de vigilance cherchant dans les réticules des jumelles, périscopes de tranchées et optiques de tir le moindre indice d'une activité ennemie afin de déterminer si elle est "normale" ou au contraire traduit un "calme avant la tempête".

Non les "ukrops" en plus d'être silencieux restent invisibles, laissant le soin à leurs chiffons de signaler mollement au bout de leurs hampes leur présence indésirable. Sur le réseaux radio, les messages laconiques confirment que cette drôle d'ambiance est générale. 


Nous profitons donc pour avancer les améliorations de nos défenses, mais aussi des moments de repos sans interruption, des rayons de soleil d l'été et du chant des oiseaux libres.

Dans l'antre de "Foreteruine" les informations et observations sont reportées dans un recueil illustrré des dernières photos de nos drones d'observation, et le sifflement de la bouilloire appelle régulièrement les soldats au thé rituel rythmant la vie semi cavernicole de notre position renforcée.

Dans la cuisine toujours obscure autour de son feu de bois des étincelles échouées dans la suie de la bouilloire nous offrent une danse étrange en pulsations d'étoiles rougeâtres et brûlantes. Spectacle qui  accroche mon regard et paradoxalement réveille mes rêves d'infini.


Aux postes de combat, les armes et les munitions comme chaque jour sont contrôlées, tandis qu'à l'extérieur les hommes s'affairent a améliorer les tranchées tant dans leur capacité opérationnelle que dans leur confort car nous avons tous en mémoire les rigueurs gelées ou boueuses des saisons à venir.

A 15h00, plusieurs grenades à fusil s'abattent sur notre secteur juste pour rappeler le temps d'une respiration que la guerre est toujours là rampante à portée de voix de nos lignes.


Amélioration sans fin de notre réseau de tranchée qui se pare de cloisons et d'abris
et se hérisse de casemates et postes de tir

A la guerre, l'attention se vide de toute forme de sentiment. Ici point de femmes d'hommes ou d'enfants, il n'y a que trois catégories d'humains qui nous entourent :  les ennemis contre qui nous nous battons les amis avec qui nous nous battons et les civils pour qui nous nous battons. Et la logique de la destinée que le soldat essaye de contrôler est alors binaire et tragique, tournant autour de la notion de liberté comme un appât vivant accroché à son piquet: c'est eux ou nous ! 

Peu après 16h30, le haut d'une silhouette apparaît à l'épaule d'une casemate ukrop, puis elle s'engage insouciante dans le sillon pas assez profond d'une tranchée pour finalement s’arrêter dans une observation latérale en offrant une cible tentante. Les postions ici sont tellement imbriquées que pour observer dans une direction on risque de s'exposer soi même dans une autre, et l'insouciance du nouveau venu ou la négligence de l'ancien blasé devient l'espace d'une seconde peut-être sa fatale inconscience.


Cette destinée du soldat où l'Homme danse avec la mort, le projette sur une ligne de crête étroite et sinueuse entre le précipice de la folie et celui de la haine tandis que derrière le désespoir attend qu'il baisse les bras et que la peur plane au dessus de son cœur.  Et dans cette tourmente de la guerre où l'âme n'est plus qu'un fétu de paille dans la tempête l'être  pour survivre doit avancer vers l'espérance au delà de ses forces mentales.

Aussi étrange que cela puisse paraître c'est l'amour qui guide et identifie un geste guerrier juste et légitime. L'amour de sa famille, de sa ville, de son pays. L'amour des valeurs héritées et des pierres sculptées laissées par les aïeux. L'amour des forêts et des rivières nourrissant les ventres autant que les cœurs etc... 
Et par dessus tout l'amour de la paix et de la liberté pour lesquelles l'Homme devenu soldat accepte une servitude volontaire au risque de sa propre vie ! 

C'est dans la tourmente des champs de bataille que résonne dans toute sa dimension spirituelle cette sentence de Saint Exupéry : "N’est amour que celui du guerrier plein des étendues de son désert, et n’est offrande de la vie, dans l’embuscade autour des puits, que celle de l’amant qui sut aimer, car autrement la chair offerte n’est point sacrifice ni don de l’amour. (...) Moi je ne connais rien de plus grand que dans le guerrier qui dépose les armes et berce l’enfant, ou dans l’époux qui fait la guerre."

Erwan Castel

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dimanche 19 août 2018

Photo du 19 août

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La zone industrielle située entre Yasinovataya (côté républicain) et Avdeevka (côté ukrainien) est depuis plus de 3 ans traversé par une ligne de front dont le no man's land réduit régulièrement comme peau de chagrin sous les "sauts de crapauds" de l'armée ukrainienne.

Dans ce décor digne de la série "Walking dead", les squelettes industriels rappellent aux soldats invisibles qui s'y affrontent le passé florissant de cette zone qui il y a très peu de temps desservaient les 2 cités minières  de Yasinovataya et Avdeevka et qui était peuplée en conséquence.

Ici sur cette photo prise lors d'un déplacement dans une tranchée, une route désertée de Promka, traversant cette ligne de front où la végétation, surgissant des trous d'obus et des fossés abandonnés, repart à la conquête d'un territoire où, par les armes remplaçant les débroussailleuses, ce sont désormais les vies humaines qui sont fauchées.

A l'horizon vit la population d'Avdeevka dont une grande majorité attend depuis 4 ans que cesse l'occupation ukrainienne qui l'a plongé dans une fracture sociétale douloureuse et une occupation militaire répressive.

Parfois je songe au travail colossal qu'il faudra réalisé après la guerre pour restaurer la vie et l'activité de cette zone complètement dévastée et pourrie de munitions, pièges et mines. Mais ces cicatrices défigurant les arbres et les bâtiments, les maisons et les vergers restent encore de légères blessures à côté de celles des cœurs...

Erwan Castel

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samedi 18 août 2018

Sur le front de Yasinovataya

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Depuis 3 jours nous sommes à nouveau déployés en 1ère ligne au Nord de Donetsk, et les ukrainiens continuent régulièrement leur stratégie de provocation en violant le cessez le feu, principalement à partir du début de soirée... lorsque les observateurs du cessez le feu de l'OSCE ont fini leur journée.

Soldats de la République, nous nous sentons aussi sentinelles d'un empire résistant à la marchandisation du monde. Cet empire, sans territoire arrêté ou gouvernement défini, est celui des valeurs intemporelles et pour beaucoup universelles qui ont fondé notre civilisation.


Samedi 18 août 2018

Le deuxième jour de notre rotation, les ukrainiens ont engagé leurs armes de 1ère ligne dans des harcèlements réguliers destinés à provoquer et tester notre dispositif de défense dans le secteur. 

Force est de constater que si les accords de Minsk depuis 4 ans n'amorcent toujours pas le processus de paix, le travail des observateurs de l'OSCE et surtout du STKK est toutefois relativement contraignant et freine sensiblement les provocations de Kiev sur le front. Lorsque les radios signalent le travail des observateurs, les tirs s'estompent puis signalent quelques temps plus tard que le front est à nouveau à la merci des psychopathes ukropithèques.


En face de nous les "ukrops" renforcent également leurs positions, approfondissent les tranchées et rapprochent leur réseau au plus près de nos positions. Ainsi à 100 mètres de nos murs, sur une position d'observation jusqu'ici silencieuse et temporaire, des sacs de terre et de sable ont émergé tels des champignons, hérissés de caisses et percés de meurtrières à partir desquelles naissent de nouveaux échanges de tirs . 
L'avantage de cette proximité est que les ukrops ne peuvent plus utiliser leur artillerie lourde sans risquer des pertes fratricides.

Dans cette guerre de position, les observations réalisées sont vitales, celles de notre position mais également celles des positions voisines et des drones  régimentaires qui viennent régulièrement fouiller les tranchées et les lisières ennemies. Peu à peu, les informations recoupées permettent de dresser un inventaire détaillé du dispositif ennemi, de leur armement collectif, de leurs rotations et voies logistiques etc... et ce travail doit sans cesse être confirmé et mis à jour... et le périscope du soldat devient monocle d’enquêteur.

Les drones confirment et précisent ce que les sens du soldat détectent, comme par exemple ce BMP 1 
dont le moteur grogne régulièrement dans le fouillis d'une lisière (ici dans l'angle supérieur gauche)

Cette activité d'observation et renseignement me rappelle mes années militaires françaises, et je ne peux m'empêcher de sourire à l'idée qu'aujourd'hui, je suis "passé à l'Est" et observe désormais la menace occidentale qui elle est bien réelle. 

Et dans les étages pulvérisés de "Forteruine" une chouette est apparue dans une anfractuosité du mur Ouest, et ce symbole du renseignement militaire occidental (en Russie, c'est la chauve souris) semble m'adresser aujourd'hui un clin d’œil complice dans cet éveil de conscience qui d'année en année, de conflit en lecture, m'a conduit ici jusqu'aux tranchées du Donbass libre.

Erwan Castel 


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