dimanche 1 juin 2014

Bilan d'un premier mois de guerre.

Les gardiens du Donbass, toujours debout au milieu des ruines


Ce mois de juin 2014 aura vu la crise ukrainienne basculer dans une confrontation armée qui très rapidement va prendre une dimension et une intensité de véritable guerre civile moderne.

Volontairement je n'ai pas abordé l'aspect politique la diplomatie internationale, qui ne semblent plus avoir trop d'influence ces derniers temps sur l'enchaînements des opérations sur la terrain. 

Vous trouverez ci-après les principales dates charnières de ce conflit, et pour les détails, vous pouvez consulter les chronologies dont les liens sont en fin d'article.

BREF RAPPEL DES FAITS

En février 2014, après avoir renversé par un coup d'Etat appelé "révolution du Maïdan" le président démocratiquement élu Ianoukovitch, le gouvernement provisoire du Président Turtchinov et son premier ministre Iatseniouk, a mené une politique de ségrégation ethnique, en ostracisant les populations slaves composant près de la moitié de l'Ukraine. 

L'insurrection armée du Maïdan en février à Kiev
En mars 2014, les populations slaves, inquiètes par la politique et l'économie ethnocentrées et ségrégationnistes imposées par une junte polono-lituanienne multipliant les discours russophobes, ont réagi rapidement, profitant de la rupture constitutionnelle réalisé par le Maïdan.

Le 16 mars 2014, la Crimée tout d'abord et la ville de Sébastopol, ukrainiennes que depuis 1954 et composée à très large majorité de russes, a exprimé par référendum (à 97 %) sa volonté de réintégrer la Russie, cette dernière l'a accepté au nom de la réparation historique, du respect des peuples à disposer d'eux mêmes et de ses intérêts stratégiques en Mer Noire. 


Le référendum de rattachement de la Crimée à la Russie du 16 mars 
Pour les régions du Donbass, le rattachement n'était pas une revendication initiale, et l'opposition au pouvoir a d'abord envisagé l'organisation d'un référendum pour demander une fédéralisation de l'Ukraine respectant les identités culturelles, religieuses, et économiques des peuples qui la composent.
Les deux secteurs critiques pour Kiev sont premièrement, sur la frontière Sud Est avec la Russie, le Donbass, à majorité russophone et dont les oblasts (régions administratives) de Donetsk et Lugansk sont les premières régions économiques de l'Ukraine: et ensuite le grand port d'Odessa, lui aussi majoritairement russophone et qui constitue aujourd'hui un point stratégique majeur sur la Mer Noire, depuis la perte de Sébastopol.

En avril 2014, plutôt que de chercher un consensus de réconciliation préservant l'unité nationale déjà amputée de sa péninsule, les putschistes, encadrés depuis le début de leur mouvement par  des "conseillers" de la CIA ont préféré vouloir mater la contestation par la force.


Barrage séparatiste bombardé à l'entrée de Slaviansk
LA RÉPRESSION, DU MAINTIEN DE L'ORDRE ET LA TERREUR ORGANISÉE 

Le 13 avril 2014, au lendemain d'une "visite technique" du Directeur de la CIA, une "opération spéciale" est lancée pour reprendre le contrôle des villes du Donbass, qui chaque jour plus nombreuses, rallient d'autres localités au mouvement fédéraliste. L'opération annoncée prématurément va d'abord devoir d'abord engager une phase de déploiement logistique et une organisation de commandement.

Le 16 avril, l'offensive se heurte aux barrages de la milice, à la population civile qui s'oppose et bloque pacifiquement l'avancée des blindés, et surtout au désarroi des soldats peu motivés et mal préparés à ce genre de mission de maintien de l'ordre. 


La population contre les chars à Kramatorsk le 16 avril
L'opération qui est un échec militaire et une humiliation politique, oblige Kiev à réorganiser sa stratégie et sélectionner les unités engagées en première ligne. Le commandement passe au Ministère de l'Intérieur et un recrutement parmi les volontaires et activistes du Maïdan est lancé pour former une "Garde nationale" et surtout des "bataillons spéciaux" qui de fait  légalisent les unités paramilitaires des extrémistes néo nazis du "Prayvi Sector". 

Dés lors un bouclage serré des zones peut alors commencer, dan,s un premier temps sur les villes de Slaviansk, Kramatorsk Donetsk et Lugansk, tandis que les unités spéciales réalisent des opérations "coup de poing" pour dissuader les autres localités de suivre le mouvement fédéraliste.

Le 21 avril, les assauts violents commencent dans le secteur de Slaviansk, devenu l'épicentre symbolique de la rébellion armée.

Le mouvement fédéraliste qui prépare sûrement la tenue de son référendum d'autodétermination, gagne du terrain et devient majoritaire dans le Donbass mais aussi menace de s'étendre à d'autres régions comme Karkhov, Odessa, Kherson, où les manifestations quotidiennement sont de plus en plus importantes. 

Le 2 mai 2014 ,jour, une provocation est organisée par les auxiliaires nationalistes du pouvoir kiévien, paramilitaires néo nazis du "Prayvi Sector" qui veulent étouffer dans le sang la contestation qui menace d'engager Odessa sur les traces de la Crimée voisine.


Victimes du massacre d'Odessa le 2 mai
Cette opération "sous faux drapeau" soigneusement préparée et cooptée Kiev, après une provocation radicalisant la manifestation,  va piéger des centaines de militants fédéralistes dans le bâtiment des syndicats, où ils seront massacrés avant d'être brûlés.
Le bilan encore provisoire de la journée fait état d'une centaine de tués et disparus et de près de 200 blessés.

Voir l'article consacré à ce  massacre le lien ici  : Enquête sur un massacre

La revendication fédéraliste face à la violence de plus en plus importante des assauts militaires et la barbarie des opérations spéciales se radicalise rapidement en insurrection séparatiste.



Le 3 mai, des moyens d'appuis lourds sont engagés pour appuyer les assauts sur Slaviansk et Kramatorsk, l'aviation et l'artillerie pilonnent les positions séparatistes.

Le 9 mai, les forces de police de Mariupol qui refusaient de participer à une répression sur des manifestants subissent un assaut blindé qui s'étend à tout le centre ville, provoquant la mort de plus de 20 personnes.

Le 11 mai, le référendum d’autodétermination réalisé dans les oblasts de Donetsk et Lugansk, donne la victoire à 90 % à l'indépendance des 2 régions qui s'autoproclament Républiques populaires.


La file d'attente pour le référendum d'autodétermination
En dehors des bastions fortifiés, des bureaux de vote font l'objet d'intimidations voire d'attaques meurtrières de la part des nervis du "Prayvi Sector" comme à Krasnoarmeysk par exemple ou des civils sont mitraillés (2 morts et plusieurs blessés)

Au lendemain du référendum, l'opération spéciale s'engage dans une dimension délibérément punitive vis à vis des séparatistes, mais aussi des populations civiles qui sont de plus en plus visées par l'artillerie ukrainienne, principalement celle du Mont Karachun clef de voûte du blocus de Slaviansk et Kramatorsk.

Le 21 mai, Une grande offensive est déclenchée sur le secteur de Slaviansk-Kramatorsk mais aussi sur celui de Lysychansk, au nord de Lugansk. Les assauts sont repoussés par la milice qui réalise par ailleurs des contre-attaques et embuscades victorieuses, comme à Volnovakha ou une colonne ennemie est entièrement anéantie dans une embuscade.


Véhicules de combat d'infanterie BMP2 touché par une roquette
Le 23 mai, les séparatistes repoussent les assauts au prix de lourdes pertes, et réussissent même à Kranoarmeysk  à mettre hors de combat la moitié du bataillon spécial "Donbass" des extrémistes du Prayvi Sector.

Le 25 mai, la journée électorale présidentielle ukrainienne offre une courte trêve sur le front. Le vote qui est largement  boycotté dans le Donbass donne la victoire à l'Oligarque Porochenko, crédité de 56 % des voix.

Le 5ème Président de l'Ukraine décide de poursuivre et même d'intensifier la répression militaire dans le Donbass, malgré les avertissements de Moscou qui qualifie cette décision de "colossale erreur".

LA GUERRE TOTALE

Le 26 mai, la guerre s'étend à Donetsk, où de violents combats opposent dans le secteur de l'aéroport, les séparatistes aux forces kiéviennes qui sont appuyées par des avions et des hélicoptères d'attaque au sol. 


Hélicoptère d'attaque Mi24 au dessus de Donetsk
Le bilan est un des plus lourds enregistrés par les séparatistes sur une zone de combats : en 2 jours, plus de 100 morts, civils et miliciens et des dizaines de blessés qui saturent les hôpitaux de cette ville de plus d'1 million d'habitants. 
Malgré ces pertes importantes, la milice  conserve et renforce ses positions. 

Le 29 mai, tandis que les combats continuent autour de Donetsk, Le secteur de Slaviansk toujours bombardé, subit une nouvelle et massive offensive aéro-terrestre mais qui est dès les premières heures décapitée, la milice ayant abattu en vol le major-général Sergueï Kulchitskii, commandant l'offensive.

Fin mai l'opération spéciale s'est radicalisée et étendue aux 2 oblasts portant ses coups aux portes de leurs capitales Donetsk et Lugansk, tandis que Slaviansk et Kramatorsk, contre toute attente résistent héroïquement à un ennemi nettement supérieur en nombre et équipements mais qui connait en revanche de plus en plus de problèmes de commandement, de désobéissances, voire de mutineries au sein de ses unités régulières fatiguées et démoralisées. 


LE BILAN

Les bilans humains sont difficiles à cerner, car soumis aux déformations propagandistes des deux camps, qui mènent sur le plan médiatique cette autre bataille logique et nécessaire pour travailler sur le moral des troupes engagées. 

Cependant, on peut d'ores et déjà, en croisant les communiqués, les comptes rendus d'observation et les enregistrements hospitaliers par exemple, faire cette première estimation :

Soldat ukrainien tué dans l'embuscade de Volnovakha
- Les pertes de l'armée ukrainiennes dépassent vraisemblablement les 900 tués et plus de 700 blessés  (rien que pour Karkhov la morgue a enregistré 604 incinérations) 
- Les désertions dans l'armée ukrainienne seraient de 1428 hommes au 28 Mai, Des exécutions sommaires ont été signalées dans le secteur de Lugansk.
- La milice annonce également avoir fait plusieurs dizaines de prisonniers.
- Côté véhicules le bilan est également lourd pour Kiev : 6 ou 7 hélicoptère, 1 avion de chasse (non confirmé), Environ 20 véhicules blindés, des canons , des camions logistiques etc...
- De nombreux matériels ont été également capturés par la milice (vehicules de transport, blindés, armement etc....

De son côté, la milice accuserait moins de 100 tués et quelques dizaines de blessés parmi ses forces d'autodéfense, protégées par les positions défensives urbaines ou l'effet de surprise de la guérilla


Miliciens tués à Donetsk le 26 mai

CONCLUSION

La politique de "guerre totale" engagée par Tourtchinov et confirmée par Porochenko a définitivement scellé la séparation du Donbass de l'Ukraine dans les mentalités comme sur le champ de bataille. 
Mais les villes attaquées ont non seulement résisté, mais même occasionné de lourdes pertes au sein des forces kiéviennes, grâce à des milices bien équipées, disciplinées, mais surtout motivées et encadrées par des vétérans aguerris.


Volontaires cosaques à Slaviansk
Les tactiques de guérilla utilisées, les retranchements renforcés dans une jungle urbaine connue, l'équipement généralisé de lance roquettes et lance missiles modernes, le soutien et l'aide de la population, ont hissé la milice pourtant inférieure en nombre et sans aucun appui feu, ni couverture aérienne (à part quelques vieux mortiers récupérés,) au niveau opérationnel de son assaillant qu'elle domine largement par un moral et une motivation à toute épreuve.  

Les unités d'autodéfense issues de la population locale, sont renforcées de plus en plus par des volontaires extérieurs, Tchétchénes, Cosaques, Polonais, Cimmériens, etc... entraînés et expérimentés aux techniques de guérilla et combat en zone urbaine. 
Ces hommes encadrent notamment des commandos mobiles qui mènent une guérilla sur les lignes et les voies logistiques ukrainiennes : attaques de dépôts, embuscades, contre-attaques et qui ont provoqué depuis 2 semaines des effets dévastateurs sur les ressources mais surtout sur le moral des forces kiéviennes.



Ce qui est sûr c'est que ce premier mois d'une guerre pourtant asymétrique, déclenchée par Kiev est une victoire incontestable pour les forces séparatistes qui compensent leur infériorité numérique, technologique, et logistique par un moral à toute épreuve et une maîtrise du terrain.


Erwan Castel le 1er juin 2014



Les chronologies détaillées des événements :


1-LES ORIGINES DU CONFLIT - Chrono 1, le lien ici : Ukraine, CHRONO 1 (jusqu'au 11 avril 2014)
2-LA CONTESTATION FÉDÉRALISTE - Chrono 2, le lien ici : Ukraine, CHRONO 2 (du 12 avril au 1er mai 2014)
3-DU MASSACRE D'ODESSA AU RÉFÉRENDUM - Chrono 3, le lien ici : Ukraine, CHRONO 3 (du au 11 mai 2014)
4- L'EMBRASEMENT MILITAIRE - Chrono 4, le lien ici : Ukraine, CHRONO 4, du 12 au 25 mai 2014
5- L'ERREUR COLOSSALE - Chrono 5, (en cours), le lien ici : Ukraine, CHRONO 5 (à partir du 26 mai)




Un groupe de soutien à la rébellion du Donbass où retrouvez l'info réelle




le lien : ICI



Le Donbass, des hommes d'Honneur






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