mardi 29 mars 2022

Dans l'enfer de Marioupol

Dans Marioupol, la bataille continue, bâtiment après bâtiment, étage après étage,
pièce après pièce, dans des combats violents opposant les russo-républicains
aux dernières unités nationalistes pour qui chaque jour de plus est une victoire.

Il y a longtemps qu'une telle bataille urbaine n'a pas cristallisé autour de son nom autant de tensions, de souffrances et d'enjeux, et si après 1 mois de siège, de combats acharnés pour les uns, désespérés pour les autres se poursuivent dans les derniers quartiers de Marioupol encore aux mains des forces ukrainiennes c'est bien que le contrôle de cette ville symbole marquera certainement le commencement d'une nouvelle phase dans cette guerre qui ravage le Donbass depuis 8 ans, dans les opérations militaires russes commencées le 24 février et vraisemblablement aussi dans les négociations entre Moscou et Kiev qui pour le moment restent stagnantes.   

Pour les ukrainiens, Marioupol est devenue un peau de chagrin qui se rétrécit inexorablement autour de l'embouchure de la rivière Kalmius, dans les derniers quartiers (industriels rive gauche et résidentiels rive droite) où s'accrochent les derniers bandéristes autour de leurs dernières munitions et conserves.

Il resterait environ 5 000 combattants ukrainiens encore retranchés dans le 
centre de Marioupol et,  au vu des stocks de munitions qui ont été organisés
un peu partout dans chaque quartier de la ville, ils pourraient encore disposer
d'une autonomie de combat de plusieurs jours, voire une ou deux semaines si
la situation tactique, les ordres reçus, les vivres et le moral le leurs permettent.

Entre les délires des propagandistes qui tous les jours crient victoire du fond des tranchées de leurs fantasmes, le fait est que si les combats de Marioupol mènent chaque jour les troupes russo-républicaines vers la libération de la ville, les ukrainiens leur opposent une résistance acharnée et même honorable, que ce soit les militants fanatiques des unités spéciales comme "Azov" ou même les derniers soldats des unités régulières (12e, 36e, 56e brigades...).  
La libération de la ville est donc réalisée prudemment, mètre après mètre au milieu des labyrinthes de béton industriels ou des quartiers résidentiels de centre où vivent encore environ 100 000 civils complétement terrorisés par les combats, les bombardements et les conditions de survie catastrophiques. 

Des réfugiés de Marioupol rencontrés à Donetsk m'ont parlé de plusieurs milliers de soldats ukrainiens encore accrochés dans la zone industrielle d'Azovstal (qui en réalité abrite 4 usines différentes) jusque dans ses souterrains qui s'étageraient sur près de 80 mètres de profondeur. 

Alors que des analystes de salon pérorent que tous les quartiers résidentiels 
de Marioupol ont été libérés, des parents téléphonent à leurs enfants à Donetsk 
pour signaler que les combats se rapprochent désormais des quartiers Ouest 
du bord de mer (voir carte ci dessus), jusqu'à présent relativement épargnés.

A Donetsk, les drapeaux dans les casernes sont en berne tandis que des salves d'honneur couvrent régulièrement le grondement continu des bombardements du front de Avdeevka et, entre 2 rotations nous visitons les camarades blessés à Marioupol, tandis que des réfugiés de Marioupol comme dans tous les districts de la cité remplissent les écoles voisines réquisitionnées pour les accueillir. Mais le moral est chaque jour plus haut car la libération des territoires républicains continue et avec elle la fin d'un martyr de 8 années !


A Marioupol, des "ukrops" entre désespoir et rage 

Récemment dans un communiqué vidéo le commandant du régiment "Azov" rappelait que chaque jour de plus tenu face aux forces russes et républicaines est une victoire, et sur le plan de la propagande mais aussi de la diplomatie on ne peut pas lui donner tort car Marioupol est devenu en quelques semaines le symbole de la résistance de cette armée qui bien que s'effondrant chaque jour un peu plus, surprend par sa combativité mais aussi ses tactiques de combat. Dire le contraire relève d'une malhonnêteté propagandiste stupide et même contre productive !

Lorsqu'au début mars, l'Etat Major ukrainien du secteur de Marioupol demande à replier ses unités avant que la ville ne soit complétement encerclée, il s'entend répondre un refus catégorique de la part d'un commandement militaro-politique qui veut instrumentaliser leur agonie jusque sur la table des potentielles négociations entre Kiev et Moscou:
  • militairement, car la capture d'une telle ville bunkérisée mobilise de nombreuses unités et leur coûte cher en hommes et matériels,
  • politiquement, même conclue par une défaite inéluctable, la résistance militaire devient au fil des jours un symbole fort pour la propagande,
  • psychologiquement, cette résistance urbaine galvanise les unités ukrainiennes repliées dans les autres villes du front,
  • médiatiquement, les inévitables pertes civiles, systématiquement attribuées aux russes par la propagande ukro-atlantiste, sont instrumentalisées sur le front diplomatique...
Pourtant, lorsqu'on va sur le terrain des combats, la résistance ukrainienne observée n'est pas aussi héroïque que ce qu'en raconte la propagande occidentale et notamment concernant leurs comportements vis à vis des civils et qui relèvent souvent du crime de guerre:

Débris d'un missile balistique ukrainien "Tochka U"
tiré sur les quartiers résidentiels habités et libérés à 
l'Est de la ville par les forces russo-républicaines. 
 Alors que Marioupol dispose de nombreuses zones non
habitées (parcs, industries...) des obusiers ukrainiens qui
utilisent les civils utilisés comme des boucliers humains. 

Depuis que les forces russes ont libéré les sorties de la ville de
Marioupol, plus de 200 000 civils ont pu quitter leurs quartiers 
détruits, témoignant de l'enfer vécu sous la botte ukrainienne

Les évacuations des civils de Marioupol sont devenues par leur importance un défi à la hauteur de la catastrophe humanitaire vécue par eux depuis 1 mois. Evacuations, accueils, soins, aides sociales, hébergements, accompagnements psychologiques... et dans des villes comme Donetsk où les combats et les bombardements provoquent une pénurie d'eau courante importante et la mobilisation un ralentissement drastique de l'activité économique.

Cette action humanitaire d'envergure est également présente sur le front de Marioupol où des aides massives sont distribuées aux habitants restant dans leurs quartiers coupés de tout. Une occasion d'apprécier l'efficacité opérationnelle exceptionnelle et rapide des forces russes qui ici aussi sont en première ligne avec leur camarades républicains.


Pour conclure sur ce paragraphe concernant les civils pris dans les combats je me refuse à cette tentation des propagandistes de les instrumentaliser, les pro-ukrops racontant que les réfugiés arrivant à Zaporodje fuient la barbarie des russes tout comme leurs homologues nous racontent que tous ceux qui vont en Russie ou à Donetsk fuient celle des ukrainiens. Si effectivement il y a des choix militants, comme dans toute guerre, il faut savoir raison garder et comprendre que les civils sortant de Marioupol d'abord fuient la guerre en choisissant souvent la première opportunité qui s'offre à eux où la possibilité de rejoindre des amis ou de la famille se proposant de les accueillir. Ainsi il y a des pro-ukrops à Donetsk (ce qui peut poser des problèmes aux services de sécurité) et des pro-russes à Zaporodje (qui eux se font très discrets pour éviter la répression du SBU).

Partout dans Marioupol, entre les ruines encore fumantes, des centaines de tombes
improvisées et creusées à la hâte entre combats et bombardements dans les jardins,
les squares et parfois mêmes les caves témoignent de l'enfer vécu ici depuis 1 mois  

La destruction du Régiment "Azov"

Si le régiment nazi "Azov" (qui est devenu aussi un parti politique depuis 2018) sera probablement reconstitué ailleurs dans quelques semaines, il n'en demeure pas moins que Marioupol qui était son fief symbolique est devenu aujourd'hui son tombeau.

Le 28 mars, un hélicoptère ukrainien MI8 qui tentait de rejoindre Marioupol a été abattu au dessus de la mer d'Azov, alors que probablement il tentait une évacuation d'officiers de l'Etat major bandériste, et le même jour un assaut était mené sur la caserne du régiment "Azov", aussitôt abandonnée par ces "invincibles guerriers de lumière" abandonnant piteusement aux russes les symboles de leur idéologie nauséabonde une nouvelle fois vaincue.

La capture de la base du régiment "Azov", devenue le
symbole du nazisme ukrainien, entre état major politique
musée nostalgique, caserne militaire et dépôt de munitions 

Ailleurs cependant, du côté de la Kalmius notamment, les combats continuent entre les nationalistes et les forces russes et républicaines leur reprenant mètre après mètre les derniers quartiers de Marioupol où ils mènent un dernier combat désespéré, refusant obstinément les différents appels à déposer les armes.

Combats à l'intérieur d'un bâtiment industriel de 
Marioupol où résistent des éléments d' "Azov".

Je pense que seule la destruction totale du régiment "Azov" mettra un point final à cette bataille infernale enflammant les rivages calmes de la mer d'Azov.


Sur le terrain des combats, les unités russo-républicaines avancent avec précaution, car si le dispositif ukrainien diminue d'heure en heure son tissu défensif devient plus dense et fanatisé par sa résistance surdimensionnée par une propagande ukro-atlantiste en quête d'héroïsme pour tenter de transmuter ses revers.

Char de combat russe touché par un tir en caponnière
depuis un bâtiment par un RPG ukrainien du régiment "Azov" 
qui n'a pas cependant causé des dommages importants.

Les combats sont très durs car les derniers résistances ukrainiennes sont positionnées au milieu des civils, organisées en groupes mobiles et autonomes menant une tactique de harcèlement avec des unités antichars et des snipers, contre lesquels sont envoyés des unités spéciales aguerries à ces opérations difficiles où les progressions au milieu des embuscades et des pièges doivent être lentes et les sécurisations au milieu des dédales urbains méticuleuses. 

Soldat tchétchène blessé pris en charge par ses
camarades avant son évacuation sanitaire vers 
les centres de secours organisés à l'arrière.

Les combats continuent donc dans le centre de Marioupol sous la progression victorieuse des unités républicaines et russes continuant de réduire des nids de résistance et tireurs isolés ukrainiens, de secourir les habitants terrés dans leurs caves dans une situation humanitaire catastrophique, et de protéger les corridors humanitaires en filtrant les soldats ukrainiens qui tentent de s'y glisser.


Cette bataille de Marioupol, dont le rayonnement politico-médiatique a d'ores et déjà rejoint celui du mythe s'impose déjà comme un symbole élevé de cette nouvelle guerre fratricide européenne et je souhaite qu'un jour elle devienne aussi le lieu de la réconciliation des peuples slaves divisés et jetés ici les uns contre les autres dans l'arène de l'hégémonie atlantiste.

Erwan Castel




13 commentaires:

  1. Encore une fois bravo Erwan pour vos analyses.
    Dans cette crise fratricide vous êtes le seul à garder la tête froide et le sens de ce qu'est une analyse lucide.
    Merci pour votre engagement courageux et continuez à nous informer

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  2. Merci Erwan. Je suis avec grand intérêt ce conflit uniquement sur votre blog. Les médias sont abjects... Nous ne pouvons conter que sur vous. ��

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  3. Comme toujours, un remarquable exposé de la bataille de Marioupol tranchant sur les multiples commentaires des "experts" PERORANT sur les chaines françaises... et autres ... Pourriez-vous nous instruire de ce qui se développe dans les chaudrons et futurs chaudrons du Donbass ... où l'armée ukrainienne pourrait subir un désastre decisif ...?

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  4. Un fake news "classique" sur la RTBF, média belge francophone encore plus rabique que le pire media français : la mairie de Marioupol denoncerait le tranfert "forcé" vers la Russie de maints enfants ...

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  5. Bonjour, et merci pour vos compte-rendus précis et vos points de vue mesurés qui nous permettent d'avoir une visibilité sur ce qui se passe réellement sur le front de cette guerre qui avec quelques raisons et en l'absence de cupidité aurait pu être évitée (rêver est encore gratuit)...Sachez quand même que malgré les efforts concertés déployés pour maintenir sous une chape de silence, la réalité des événements que vous détaillez, parmi les lambeaux restants de nos vecteurs d'information, j'ai lu il y a quelques jours que 52% des Français croyaient à au moins un des arguments de Moscou quand au motif de l'opération...Biensur l'article ne manquait pas de recouper ce chiffre avec celui des adhérents aux thèses complotistes, et aux victimes crédules de toutes formes de propagande, mais les chiffres sont là...Il semblerait donc qu'à force d'abus de biais ďe conformité et de fakenews débunkées, les gens chez nous, mais aussi outre-antlatique, où je laisse parfois traîner mes yeux et mes oreilles, aient développé une forme d'immunité qui les pousse à multiplier les sources d'information quite à compiler par eux mêmes celles qui résistent au filtre de l'examen logique...En espérant que cette nouvelle qui terrifie, et étonne étonnamment ces gens ''bien informés, vous mettra ainsi qu'à vos camarades, quelques baume au cœur...Et si tout est vanité, ce temps que vous prenez sur le votre pour nous éclairer, pas totalement perdu...Prenez soin de vous, et si vous avez quelques moments, j'espère que vous parvenez encore, en fermant les yeux, à vous adossez par la pensée aux géants ďe la forêt primaire pour écouter le chant de la canopée, ou celui des pluies tropicales et des cours d'eau dansant entre les innombrables crêtes Guyanaises pour saisir, dans les trésors de votre mémoire, l'éclair sublime du vol d'un morpho bleu, ou d'un colibris rouge, loin du brouat et de la grisaille de la guerre...A la paix prochaine (et puisse-t-elle être imminente)...Fraternité. ''Veritas vos liberabit''.

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  6. Penses-tu que les russes exigeront d'avoir une continuité territoriale entre la Crimée et les républiques de Donetsk et de Lougansk, ou bien rendront-ils le terrain conquis à l'Ukraine à l'issue des pourparlers de paix ?

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  7. Certainement l'analyse la plus réelle (pas par hasard .... ) . Merci Erwan et continuez . On partage le plus possible .

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  8. Merci de nous éclairer sur les deux Xavier. Un canal a l'air d'être objectuf sur YT. Les conflits en cartes. On a tous envie que cela cesse. On est inquiet. L'ouest envoit encore des milliers de tonnes d'armes je suppose. Je lis parfois que la Russie n'a pas vraiment voulu engager son aviation. Ils veulent nous faire croire qu'avec 140 millions d'habitants, la Russie veut envahir le monde entier. Les centaines de milliers de morts au Yemen depuis des années, et affamés en ce moment, ça n'interresse pas les journalopes.

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  9. Courage à tous, dans ces durs combats. Merci cher Erwan, pour tes analyses, si précieuses. Je continue à relayer tes infos sur Facebook.

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  10. Encore une fois merci et bravo Erwan pour votre correspondance de guerre, technique, mesurée, touchante.
    N'en doutez pas : votre regard et vos témoignages sont extrêmement utiles. Tenez bon. Continuez.

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  11. Спасибо Ербан за новостей! Держись!

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  12. Merci monsieur Erwan. Vous êtes une créature incroyable. Il en faudrait des armées qui vous ressemblent! Force à vous, paix à Marioupol, que ce terrible sacrifice ne soit pas vain..! Et pour répondre à Fabius qui disait qu' Al Nostra faisait du bon boulot en Syrie: merci aux Tchétchènes qui font le sale boulot. Je ne vous publierai jamais. Vous non plus, monsieur Erwan. Que les cieux vous gardent.

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